Matière Première
Projet lauréat du concours d'architecture et d'urbanisme Europan 17.
Équipe : Tom Barbier, Alan Benoit, Jean-Benoît Boccaren, Thomas Catti, Paul Riffault.
Europan est un concours d'architecture européen. Tous les deux ans il s'organise autour d'un thème et propose une multitude de sites en Europe. La session 17 avait pour thème « Villes vivantes /2 », « Ré-imaginer des architectures en prenant soin des milieux habités », nous avons choisi la ville de Nantes.
Ce projet a donné naissance à notre entreprise « Atelier matin ».
Planches de concours (français)Competition boards (english)
De quoi hérite-on ?
La transformation du site de l’hôpital de Nantes a tout d’une situation paradoxale.
Une position exceptionnelle au cœur de la métropole et en bord de Loire. Mais également un ensemble urbain fermé et opaque, enclave d’hyperdensité aussi gigantesque qu’autarcique. Un site suroccupé, mais dont l’héritage construit, celui de l’hôpital-campus, se révèle d’une grande flexibilité, et laisse entrevoir une capacité d’adaptation exceptionnelle. En somme, un site saturé de possibilités.
Partant de ce constat, il est proposé d’engager un processus de transformation « en creux », dont la préoccupation première est la capacité d’un site enclavé à s’ouvrir et se diversifier de façon endogène, de se régénérer sur ses propres fondations, prenant l’existant et son contexte comme matière première d’un devenir désirable et soutenable.
Le choix d’une mutation axée sur l’existant, articulée à l’ensemble des échelles spatiales et temporelles, du grand territoire à l’espace de l’intime, du temps court au temps long.
Une relation ville - Loire retrouvée
Matière première, c’est le tissage d’une relation entre les forces en présences, dont le site de l’Hôtel Dieu constitue un lieu de convergence. C’est révéler l’évidence d’une figure paysagère et urbaine.
Réinstaller la profondeur ville-Loire
D’abord traversée par la Loire, l’extension vers le sud et les remblaiements successifs de la plaine alluviale ont coupé la ville de son fleuve. Le site constitue aujourd’hui un fragment opaque qui participe à cette rupture. Le projet propose de réinstaller une relation en profondeur entre la Loire et la rive nord de Nantes par la création d’une grande armature paysagère et hydraulique structurant la mutation « en creux » du site de l’Hôtel Dieu. Les démolitions et restructurations ciblées des bâtiments existants ouvrent de nouvelles traversées et forment, peu à peu, la trame d’un parc nord-sud poreux de la Loire à Feydeau.
Un grand parc de la Loire au cœur de la métropole nantaise
Cette profondeur prend tout son sens par la situation centrale de l’Hôtel Dieu à la convergence des grandes continuités géographiques et urbaines.
Implanté au bord de la Loire, le site est bordé au nord par le bras comblé du fleuve devenu grand mail urbain et s’adresse à l’Est sur la chaussée de la Madeleine, voie urbaine et territoriale majeure qui fut longtemps la seule voie reliant les deux rives de la Loire. Elle est aujourd’hui le prolongement du cours des 50 Otages, grand tracé urbain qui prit place sur les comblements de l’Erdre.
La convergence de ces grands vecteurs forme un ensemble qui ne se limite pas simplement à l’Hôtel Dieu. Elle dessine la possibilité d’un « tout », préfiguré par les projets de requalification urbaine sur le secteur, mais rendu impossible par l’enclave de l’hôpital en son centre.
L’ouverture du site de l’Hôtel Dieu comme lieu d’interface d’une profondeur ville-Loire, devient la pièce centrale d’une dynamique plus large. Celle d’un grand parc de la Loire intégrant les berges du fleuve, le mail Feydeau, la chaussée de la Madeleine, la petite Hollande, qui fédère les grands fragments paysagers.
Installer la ville diversifiée dans le parc : pistes programmatiques
La mutation du site de l’hôpital s’opère par l’exploration de plusieurs axes programmatiques, s’inscrivant en partie dans la continuité de l’occupation existante.
- Pérenniser une activité articulée autour du « soin du vivant » au sens large. Après le départ de l’hôpital avec le maintien d’un service de santé de proximité, d’une partie de l’activité universitaire médicale et l’encadrement de la renaturation du parc et le suivi du vivant, grâce à la création d’un grand équipement prenant place dans le bâtiment actuel des urgences.
- Installer une trame sportive et de loisir à l’interface de la ville et de la Loire, en plein air et dans des équipements réhabilités.
- Accueillir une dimension résidentielle nouvelle dans les bâtiments les plus emblématiques : la « croix » et la mère et l’enfant, conçus par Michel Roux Sptiz et l’édifice universitaire conçu par Louis Arretche adressé sur la petite Hollande.
- Identifier une réserve flexible de transformation d’équipements et de services directement adressés sur la ville existante, dont la programmation serait à concerter avec les acteurs locaux.
- Pérenniser les sites universitaires sur place à moyen terme, et envisager leur préservation à long terme.
Chacun des équipements prévus offrira un RDC adressé sur la parc, qui pourra être partagé avec des programmes de proximités (services, activités, loisirs et commerces).
La table de régénération
Matière première, c’est la transformation d’un site construit fondée sur la revalorisation plutôt que le remplacement. L’émergence d’un système parc propice au vivant par la régénération progressive et différenciée des sols existants. L’évolution d’un site hospitalier monofonctionnel, vers un fragment de ville diversifié en réhabilitant le patrimoine bâti existant
Le parc : sol ville - sol Loire
Le développement d’un parc de la Loire sur le site de l’hôpital soulève une problématique importante : comment réinstaller une trame du vivant sur un sol inerte et probablement pollué, constitué des remblais d’après-guerre et aujourd’hui imperméabilisé à 95% ?
Le projet propose un parc articulant 2 niveaux de référence : le « sol-ville », par la mise en place d’un armature d’espaces publics équipés dans la continuité de la ville existante ; le « sol-Loire », trame de renaturation « en creux » par l’ouverture et la désimperméabilisassions des sols urbains, et la mise en place d’un paysage façonné par l’écoulement naturel de l’eau.
La trame d’une renaturation adaptée et progressive
Une renaturation qui s’élabore par l’enrichissement progressif des sols en place plutôt que l’apport de terres végétales extérieures. L’objectif est de former à horizon de 10 ans un milieu riche et stabilisé propice au vivant, pouvant être le support d’une dimension « nourricière » telle que portée par la municipalité.
- Au préalable, ouvrir les sols urbains sur les emprises concernées : désimperméabiliser et décompacter à la suite de démolitions ciblées sur le bâti existant.
- Installer la trame des continuités hydrauliques comme support du développement du vivant : grandes noues plantées dans le sens naturel d’écoulement nord-sud vers la Loire, rigoles dans le sens est-ouest, récoltant et rabattant l’eau vers les noues.
- Suivant un diagnostic précis à effectuer sur la qualité des sols, envisager la recomposition d’un substrat hybride dans un circuit court : substrat minéral issu du remblai et des déchets de démolition du site, associé à un apport organique issu de la valorisation des déchets urbains nantais (déchets végétaux, de station d’épuration, de balayage des rues…).
- Une fois les sols préparés, mettre en place une stratégie d’enrichissement progressif de la terre par le végétal : l’installation d’essences pionnières dans une premier temps, dont le rôle sera de préparer les sols à une diversification future. Un « paysage facilitateur » se forme alors durant les premières années, permettant à horizon de 5 ans la mise en place d’une deuxième génération du végétal plus diversifiée.
- A horizon 10 ans, il peut être espéré le début d’une stabilisation, celle d’un milieu riche propice au vivant, pouvant accueillir une large diversité végétale et une dimension nourricière.
Un parc piéton et équipé
En complémentarité de cette trame de renaturation, un maillage d’espace public piéton et équipé est mis en place : liaisons nord-sud le long des noues, reliant le centre-ville aux berges de la Loire, liaisons est-ouest le long des rigoles comprenant la grande traversée reliant le quartier de la Madeleine au site universitaire pérennisé à l’ouest de l’Hôtel Dieu. Cette trame d’espace public constitue le support de nouveaux usages orientés sur une programmation sportive et de loisir en plein air et associés à certains bâtiments réhabilités en équipements de sport.
La diversification de la ville par la réhabilitation du patrimoine hospitalier
Le site offre l’héritage architectural d’un hôpital campus de la 2e moitié du XXe siècle, caractérisé par une grande capacité de réadaptation, qui se retrouve autant sur les édifices remarquables que sur les bâtiments plus ordinaires. La majorité des constructions présente une structure en ossature béton ou métallique, offrant un plan libre et parfois une façade non porteuse, des hauteurs sous plafond généreuses, et une position privilégiée une fois que les bâtiments sont réinstallés dans le système parc. A cela s’ajoute une grande diversité des formes bâties qui offre un potentiel considérable de diversification programmatique sur le site.
Tirant parti de ce constat, il est proposé d’engager un processus de revalorisation des bâtiments en place comme support de nouvelles occupations. Réserver l’acte de démolir pour ce qui relève de la mise en œuvre de la trame des espaces publics et de renaturation. Démolir pour ouvrir et non pour reconstruire.
Un équipement majeur pour encadrer le processus endogène
Renaturation des sols, restructuration du bâti : le bâtiment des urgences est réhabilité et transformé en un équipement capable d’accompagner un processus expérimental de renaturation et de réemploi des matériaux de déconstruction et l’inscrit dans la durée. Cette « pépinière » accueille les différents acteurs engagés dans le processus de renaturation : chercheurs et analystes, services de gestion des espaces en renaturation et entreprises en charges de leur réalisation et peut devenir un lieu de formation de grande ampleur autour de ces thématiques, comme une école arboricole ou de paysage. Il s’agit de former et sensibiliser aux questions de la renaturation, de la régénération des sols, du vivant et partager un savoir acquis par l’expérimentation sur site. D’autre part, les matériaux récoltés pendant les démolitions sur site peuvent être valorisés et réemployés dans le cadre des réhabilitations.
Cet équipement dont la surface potentielle est estimée à environ 10 000m² + 1000m² extérieurs, a la capacité d’intégrer des espaces de stockage et de gestion importants comme une pépinière des essences mises en place dans le cadre de la renaturation, un ressourcerie, des engins, etc.
Réhabiter la Loire
Matière première, c’est la réinscription du grand édifice hospitalier originel en croix dans son paysage urbain et ligérien, et comme condensateur d’une dimension résidentielle nouvelle sur le site.
Un grand édifice intergénérationnel réinstallé dans le parc.
Dès le démarrage du projet, nous proposons de réinstaller ce bâtiment dans un espace ouvert préfigurant le futur parc. Des démolitions ciblées sur les constructions adjacentes et sur des parties restreintes de l’édifice sont engagées pour libérer ses abords, permettre sa réhabilitation et garantir un grande qualité résidentielle.
Afin d’en faire le témoin de la transformation du patrimoine bâti hospitalier, il est proposé de réhabiliter le bâtiment principal de l’hôpital et d’en faire un grand condensateur intergénérationnel offrant une programmation résidentielle diversifiée : logements individuels libres ou sociaux, logements en résidence adaptés aux séniors, logements étudiants, logements adaptés aux jeunes travailleurs.
Tirant parti de son organisation en croix, le projet installe une unité de voisinage en son centre, où sont regroupées et mutualisées les fonctions communes des résidences collectives.
Dans une visée intergénérationnelle, les programmes fonctionnant en résidences collectives y sont directement connectés par des coursives, les programmes résidentiels privés peuvent quant à eux être situés vers l’extérieur de la croix comme des ensembles autonomes organisés autour de leurs cages d’escaliers respectives. L’ensemble résidentiel ainsi réhabilité permet de créer environ 430 logements répartis sur les différents programmes résidentiels.
Le socle du bâtiment est ouvert sur 2 niveaux offrant un RDC noble adressé sur le parc. Socle ouvert regroupant les accès et halls résidentiels, il s’inscrit également dans la trame des espaces publics et offre des cheminements et traversées abrités accessibles au promeneur.
Un héritage monumental et adaptable
Présence monumentale imposante par sa façade massive, l’édifice conçu par Michel Roux-Spitz dispose pourtant une grande capacité d’adaptation. Sa structure en ossature métallique offre un plan libre, et en façade seuls les poteaux dissimulés dans un parement minéral sont porteurs. D’une grande largeur (entre 16 et 18m) et d’une hauteur sous plafond généreuse (3,6m de plancher à plancher, 3m sous plafond), l’édifice jouit également d’une exposition solaire exceptionnelle mais à double tranchant : les façades sont continuellement exposées sans aucun autre masque solaire que le bâtiment lui-même, ce qui pose la question de la surchauffe en été.
L’épaisseur résidentielle et climatique
Il est proposé d’installer l’espace résidentiel « en creux » dans le bâtiment existant, et de constituer une double peau :
- Peau extérieure, la façade d’origine intégrant l’ossature porteuse est restructurée tout en préservant son caractère monumental et sans modifier la structure. Les fenêtres sont déposées, les modénatures de parement préfabriqués sont en majorité conservées pour préserver l’unité et la monumentalité de l’édifice. Certains de ces éléments de parement sont repris ou déposés dans le but d’améliorer l’apport de lumière et le rapport à l’extérieur. Le « module fenêtre » devient le « module loggia ».
- Peau intérieure, une nouvelle façade légère en second rang de la façade porteuse constitue la limite de l’enveloppe résidentielle.
Ce double registre installe systématiquement un prolongement extérieur généreux de part et d’autre de l’édifice, qui se décline sur l’ensemble des formes résidentielles en offrant différentes possibilités d’appropriation.
Le logement collectif est articulé autour des cages d’escalier existantes ou créées. Il offre de grandes et moyennes typologies traversantes avec des prolongements extérieurs de part et d’autre et des logements plus petits s’articulant autour d’une loggia d’angle généreuse.
En R+2 et R+10, les entresols des anciens niveaux techniques sont repris pour former un étage noble de duplex desservis par coursive et bénéficiant de terrasses généreuses.
Le logement en résidence adaptée aux séniors, est installé dans un rapport traversant, desservi d’un côté par une coursive collective et profitant de l’autre côté d’un prolongement extérieur privatif.
Le logement en résidence étudiante ou jeunes travailleurs, se caractérise par de petites typologies disposées autour d’une circulation intérieure centrale qui distribue de part et d’autre des logements articulés autour d’une loggia d’angle.
Cette épaisseur extérieure joue également un rôle climatique. Les grandes loggias protègent les logements des rayons directs du soleil en été. En hiver, la lumière naturelle pénètre dans les logements et la façade légère en fond de loggia joue pleinement son rôle d’enveloppe isolante grâce à l’absence d’éléments porteurs verticaux. La disposition des logements, traversants pour la majorité, ou en double orientation sur un angle rentrant, favorise une ventilation naturelle efficace de logements. Indispensables à la bonne proportion des prolongements extérieurs, les hauteurs sous-plafond généreuses de 3m, sont préservées.