Equipe : Jean-Benoît Boccaren + Paul Riffault

Campus de territoire (territory campus)

Europan est un concours d'architecture européen. Tous les deux ans le concours s'organise autour d'un thème et propose une multitude de sites en Europe. La session Europan 15 avait pour thème « villes productives 2 », nous avons choisi la ville de Romainville.

Competition boards (english)

1) Structure

Réinscrire le site dans sa géographie

L'espace « ouvert » des bâtiments modernes, et l'espace « fermé » du parcellaire agricole

1962 : Une structure agricole forte

L’urbanisation mesurée du territoire sud de Romainville a été fortement conditionnée par la structure parcellaire d’origine. La liberté d’implantation du bâti dans la trame agricole et maraîchère conservée le caractérise. L’enclavement du quartier des Ormes par les infrastructures a permis de préserver en partie la forme des parcelles d’origine orientées nord-sud, composée de lanières étroites parfois remembrées. Du plateau de Romainville et jusqu’à Montreuil, le tissu urbain s’est orienté pour permettre l’implantation des activités agricoles au coeur des quartiers.

Entre ces murs ont toujours cohabités activité et habitat, donnant lieu à des systèmes complexes, associant -par exemple, pour la culture des pêches- les techniques très élaborées de la construction des murs, à celles du palissage, de la taille, de l'ébourgeonnement, de la fumure et de bien d'autres encore.

Le projet de Michel Corajou sur le centre-ville de Montreuil et les murs à pêches soulignait l’importance de cette histoire de plus de quatre siècles. L'art avec lequel ces fondations avaient été disposées et orientées sur la pente a offert par la suite les qualités qui étaient requises pour les pêches.

Cette structure partiellement conservée et matérialisée par des murs pourrait aujourd’hui constituer une source, une mémoire à partir de laquelle, le quartier des Ormes de Romainville pourra à nouveau transposer et singulariser sa forme urbaine.

1968 à 1980 : 1 commune, 3 rives isolées

A partir de 1965, l’autoroute A3 est venue fracturer le tissu urbain, isolant le quartier des Ormes du reste de la commune de Romainville. Par ailleurs et jusque dans les années 80 se sont implantées de nombreuses constructions modernes (quartier du Chemin Vert), sans prise en compte de l’orientation du tissu ou des structures territoriales existantes, et en effaçant la structure parcellaire traditionnelle.

Aujourd'hui s’opposent en tous points deux occupations du territoire. La première orientée par un découpage parcellaire, l’autre issue d’un héritage moderne associant des typologies nouvelles (tours, barres) a un espace ouvert non parcellisé.

2020 : le T1 renoue avec la géographie du territoire

L’arrivée prochaine du T1 interroge la réorientation du parcellaire dans le cadre des aménagements publics. La structure agricole nord-sud matérialisée par des murs mitoyens descendant du plateau vers le sud est une identité forte du territoire qu’il est possible de conserver et d’utiliser pour recréer des continuités, des liens entre quartiers, des espaces public singuliers. Il s’agit d’une structure qui traverse le temps et dans laquelle s’implante à chaque époque une nouvelle mixité typologique.

2) Systèmes

Vers de nouveaux usages du territoire

Les murs : une structure bâtie territoriale

La géographie, conditionnant autant l’implantation de l’agriculture que des habitations du territoire Est du Grand Paris, a su faire naître une structure urbaine empirique, orientée Nord-Sud, favorisant un ensoleillement continu Est-Ouest et s’implantant dans la pente.

En prenant pour exemple un des îlots les plus remarquables du quartier des Ormes et peut-être celui le plus marqué par le projet du Tramway t1, situé entre la rue des Ormes et la rue de la libre pensée, nous pouvons constater que cette structure territoriale est régulière, variant dans un spectre de 4 à 12 mètre de large. Une trame moyenne de 8m de large est apparue comme une mesure capable de répondre aux enjeux du site tout en s’inscrivant dans l’existant. Afin de matérialiser cette  structure, nous souhaitons lui donner une épaisseur, la considérer comme les fondations des futures formes du site. Une trame de murs massifs, durables (pierre, briques), de hauteurs variant de 50 centimètres à 1 mètre 80, accompagneront l’ensemble de l’équipement sur toute sa longueur.

Dans cette structure territoriale et historique, il est possible de concevoir un panel de réponses aux nombreuses questions contemporaines de Romainville : trame viaire, espace public, terrains de sports, nouvelles formes d’habitat ou espaces dédiés à l’activité, tournés vers l’environnement et les nouvelles technologies. Afin de tirer pleinement parti de cette structure capacitante, c’est selon deux axes de conception que le programme pourra rencontrer la forme sur la longue durée : la modularité des espaces et l’évolutivité des lieux.

Modulaire : des formes adaptables

Ossatures

Les constructions ne prendront pas appui sur les murs de l’équipement, mais viendront “se poser” sur ceux-ci lorsque situé en mitoyenneté, ou bien s'implanteront en coeur de parcelle. Afin de parvenir à ce procédé commun, les constructions devront prendre appuis sur une trame de poteaux bois généralisée sur l’ensemble du site, de 8 mètres par 8 mètres, et bénéficieront de leur propre ossature bois, légère, démontable et issue de filière locales. L’ensemble des bâtis partageront un langage commun de principes constructifs, et pourront les réutiliser et les combiner comme un “open source” propre au lieu.

Deux échelles de constructions interviendront sur le site, en fonction de leurs occupations et de leurs programmes. Une échelle basse, “dans les murs”: celle des activités, des jardins, des logements de résidence, des laboratoires de recherche, des espaces communs de détente ou de travail. Une échelle haute surplombant les murs, celle des programmes à résonance plus large, de courte ou longue durée : centre de formations, de démonstration, d'événements sportifs. Cette échelle haute n’est pas contrainte par la trame si son programme croît en influence ou en ambition: elle libère la dimension intercommunale et métropolitaine du lieu. Point d’ancrage de cette dimension, le plateau polyvalent : un belvédère surplombant l’infrastructure routière, destiné à accueillir en permanence les programmes sportifs.

La meilleure façon de tirer parti de constructions modulaires, de programmes et d’échelles pouvant se combiner est d’en lier les usages entre privé et public : les laboratoires, activités ou logements sont adressées sur un maillage piéton, lui même adressé sur des espaces communs et sur l’espace public du tramway, multipliant le partage et les opportunités.

Evolutif : de nouvelles manières de travailler et d’habiter

Le point clé d’un principe de fonctionnement basé sur le modulaire est sa pérennité : toutes les constructions sont indépendante les unes des autres, permettant un renouvellement continu des usages et des programmes implantés. Le programme change, les formes aussi, le lieu reste commun, partagé et accessible.

3) Campus

Un équipement pour le territoire

Un équipement sportif intercommunal

Le campus de territoire est un équipement sportif intercommunal, en relation avec les infrastructures de l’autoroute et du tramway. Il se matérialise par un bâtiment multifonctionnel en belvédère sur l’autoroute qui accueille différentes activités sportives et des terrains variés (football, tennis, basket, dojo pour la gymnastique, les arts martiaux et le yoga).

Le système constructif du bâtiment permet une adaptabilité totale et l’utilisation des plateaux pour tout type d'événements. C’est un lieu qui pourra accueillir les célébrations intercommunales, permettant au quartier des Ormes d’être redécouvert, notamment par les Romainvillois. A cet effet, un niveau de parking s’intègre en demi niveau sous l’équipement, dans le prolongement de la trame du campus, pouvant contenir 150 à 200 places par niveau.

L’équipement fait partie intégrante du campus et se prolonge en dehors du bâtiment le long du cour public et du tramway à proximité de la station “libre pensée”. Des lieux sportifs s’inscrivent dans la trame du campus et sont directement visibles de la voie publique et du tramway. Ces espaces sont réservés à l'entraînement, aux loisirs, ou aux activités sportives individuelles. L’accès à ces espaces est limité ou libre. La trame permet d’y implanter des terrains de volley, basket ou tennis mais aussi d’autres pratiques adaptées aux espaces en lanières comme le tir à l’arc déjà présent aujourd’hui sur le site.  D’autres activités ouvertes sur l’espace public pourront y trouver place comme le badminton, le ping-pong, les jeux de boules, de molky, ou de slackline (funambulisme à basse hauteur).

Technologie et environnement : un programme d’activité novateur

Le campus de territoire est un lieu d’activité novatrice, tourné vers la technologie et l’environnement. La trame permet l’implantation de tous types de structures s'inscrivant dans ces thématiques. L’objectif étant de mettre en relation sur un même site la recherche et la sensibilisation aux questions environnementales, afin d’orienter plus fortement la recherche vers ces questions fondamentales.

La technologie et l’environnement sont des domaines intrinsèquement liés, notamment pour les sujets de la construction (empreinte carbone, déchets de la construction), l’énergie, les réseaux, la robotique, ou l’intelligence artificielle.

Le tissu d’activité du campus est donc composé d’associations, de petites entreprises et startups, d’un laboratoire, d’un fablab, d’une pépinière d’entreprises ou d’un open space. Des entreprises purement commerciales y trouvent également leur place, l’objectif étant la mise en commun de certains matériels, la rencontre et l’implication des différents acteurs dans la vie du campus, l’organisation spatiale oeuvrant pour la proximité et le partage des connaissances et des moyens.

La vie communautaire du campus

Le campus a pour vocation d’accueillir un learning center permettant de suivre des formations axées sur la technologie et l’environnement. Cet espace étant annexé à un showroom dans lequel sont organisées des expositions de sensibilisation du public ou des conférences financées par des organismes publics comme privés. Cette structure permettrait aussi bien d’informer que de présenter occasionnellement le travail d’une des entreprises du campus.

Le campus est un lieu de vie et intègre des logements. Des locations offrent un espace de travail et de vie pour de jeunes travailleurs. La mise en commun de matériels leur permettant d’avoir accès à des machines ou à une puissance de calcul inespérée pour monter leur entreprise. Par leur implication ces locataires seraient les garants du campus.

Le campus est une structure spatiale dans la laquelle se développent des activités hétérogènes et complémentaires. Il est tourné vers l’innovation, les nouvelles méthodes de travail et la présentation de ces activités au public. C’est un parc équipé, un tissu d’activités professionnelles et sportives organisé autour de lieux communs. Cet équipement a vocation à servir les intérêts publics comme privés, vitrine de l’innovation pour Romainville.